Un trait typique du leadership est le charisme. Cette qualité est fondamentale pour qui veut mobiliser ses équipes, que cela soit lors d’une prise de poste ou dans toute politique de changement. Elle l’est aussi pour toute personne l’accompagnant dans une telle démarche (conseiller, coach ou mentor).
Voyons ce que cela implique pour les organisations et pour vous-même.
Charisme :
Le charisme est la caractéristique qui sépare les humains des « superhumains ». Cela nécessite des pouvoirs ou des qualités extraordinaires. Mais le facteur le plus important est ce qu’il apporte aux yeux du spectateur : le charisme est défini par la façon dont le leader est perçu par ses admirateurs. En effet, Superman est-il le sauveur venu d’une autre planète ou un personnage bizarre, portant des collants avec des sous-vêtements par-dessus, inventé pour transcender les frustrations humaines ?
Leadership charismatique :
Il se présente sous différentes formes. Évidemment, parmi les plus courantes, vous avez la figure Christique (combinant le héros, le prophète ou/& le sauveur), l'Attila (le passionné de guerre), le Sorcier (le ritualiste et le magicien). Vous avez aussi l'Escroc.
Le leadership charismatique n’est pas rationnel. C'est une force émotionnelle. Premier cercle de suiveurs, les disciples (l'équipe administrative de tout chef d'entreprise), qui sont à différencier des adeptes (les suiveurs), sont choisis en fonction de leurs mérites, mais aussi en fonction des qualités charismatiques reconnues par le dirigeant. Il n’y a pas de statut ni de classement attribué parmi les disciples, du moins au départ.
Le leadership charismatique est une force perturbatrice, disruptive. Elle rejette les normes du passé et crée de nouvelles obligations. La routine, la rationalité, la tradition sont en conflit direct avec le leadership charismatique. A ce titre, le leader charismatique incarne une force révolutionnaire.
Un charisme qui tient :
Le charisme dure aussi longtemps que perdurent les caractéristiques qui rendent l’individu charismatique. Sa base étant la rupture, le charisme n'est en fait lié qu'à la phase initiale du changement, à son impulsion.
À mesure que le changement est intégré, le charisme du leadership est éclipsé par la nécessité de stabiliser ce changement et de le rendre durable. Le changement se «normalise» : il s’inscrit dans les mœurs, il se rationalise. La normalisation est principalement motivée par les idéaux et les besoins des disciples et des adeptes.
Charisme et succession :
La normalisation du charisme est évidente lorsqu’on aborde le problème de la succession du leader charismatique. Les religions donnent au monde de l’entreprise des leçons importantes à ce sujet :
- Recherchons-nous chez le successeur des qualités originales selon des critères charismatiques, quelle que soit la personne ?
- Attendons-nous que le successeur soit nommé par le leader actuel ? Par les disciples ?
- L'hérédité est-elle le facteur clé de succès ? Si tel est le cas, le charisme est abandonné au profit de la légitimité du poste.
- Recherchons-nous sa sélection par la divination (c'est-à-dire une sélection basée sur des critères désignés et orientés comme dans un recrutement habituel) ou par des transferts rituels assurant la transmission du charisme (comme la passation de pouvoir entre deux ministres, par exemple) ?
Normalisation du charisme et du personnel :
Le leadership charismatique est anti-économique (l’économie est ici prise dans son sens de survie), car il cherche à détruire le leadership qu’il a remplacé. Ce point précis doit changer si l’on veut que l’institution charismatique survive.
Lorsque le leader charismatique est parti, son premier cercle a tendance à se réaffirmer grâce à des avantages accrus, un contrôle et un filtrage des inscriptions du personnel et des partisans.
Ainsi, le charisme devient une qualité intuitu personae : les leaders naissent ici et ne sont pas créés. La structure sociale devient stratifiée et le statut social est attribué conformément aux normes charismatiques. La couche inférieure des adeptes est soumise à contribution pour renforcer les différents niveaux de l’échelle sociale charismatique. Cet « impôt charismatique » a un véritable coût économique pour l'ensemble de l’entreprise puisque la survie de la structure charismatique du leadership en dépend. Ainsi on peut voir, dans de nombreuses entreprises, la relecture de son histoire et l’utilisation de la figure charismatique de son fondateur (l’évhémère) comme moyens de faire avancer une politique très actuelle.
Une fois ces actions terminées, le leadership charismatique, autrefois perturbateur, a modifié les gènes de l’organisation et n’est plus reconnu comme charismatique. C’est devenu la façon traditionnelle de faire les choses. La révolution donne naissance au conservatisme.